
Apparences trompeuses
Pose des ongles : 1 h
Maquillage : 1 h – 1 h 30
Installation des rallonges de cheveux : 45 minutes
Coiffure des cheveux et des rallonges : 1 h
Choix de la tenue parfaite : 30 minutes
Aboutissement devant la lentille du cellulaire à prendre la pose : 30 minutes
Tri et retouche des photos : 1 h
Tout ça pour quoi ? Pour récolter le plus de likes sur Facebook et sur Instagram. Mon égo gonflait à chaque commentaire, à chaque pouce en l’air. Le besoin d’être reconnue, d’exister à travers une photo magnifiée était un rituel hebdomadaire. Moins je me reconnaissais sur la photo, plus je l’aimais.
Après m’être pomponnée de la sorte, je sortais au grand air, dans un bar ou à la recherche d’un party. Je buvais trop pour booster ma confiance. Mon alcoolémie, étroitement liée avec le degré d’affirmation de ma personnalité, devenait une armure contre ma timidité et le seul moyen, selon moi, de me faire des amis et de me faire apprécier.
Au lieu de nourrir mon intérieur, je poudrais mon extérieur. Je voulais faire tourner les têtes. Être la plus belle. Je voulais devenir la meilleure amie des filles et l’objet de désir de tous les hommes. Lorsque ma confiance fardée en illusion fonctionnait et que j’étais remarquée, je buvais une quantité monstre d’alcool pour vaincre l’embarras accrue par toute cette attention pourtant recherchée. Je me déguisais en la Karine Nadeau que j’aurais tant voulu être : joviale, cool, allumée, drôle, intéressée, assumée, resplendissante. Je m’épuisais à force de sublimer ma personnalité. Lors d’une soirée, si je sentais que je ne faisais pas l’unanimité, je jetais mon dévolu sur la personne récalcitrante à mes signaux d’amitiés et je jouais d’astuces, de blagues, de confidences, de charme ou de compliments pour l’attirer dans mes entrailles d’amour insatiables.
Une fois à la maison, téléphone en main, je suivais fébrilement l’évolution des likes de ma dernière photo publiée. Je lisais les commentaires avec avidité. Ils nourrissaient le désert de considération que je cultivais à mon égard et assouvissaient mon narcissisme. J’étais de retour avec quatre ou cinq amis additionnels à ajouter à mes réseaux sociaux. J’étais vidée de toute énergie à force d’avoir essayé de convaincre tout le monde et moi-même que j’étais la personne la plus cool de la place.
Retoucher mes photos était mon activité préférée. Rendre flous les rides et les boutons, matifier le teint, illuminer les tatouages, mes cils et mes yeux, affiner ma taille, mes bras, mon menton et mes joues, rehausser ma poitrine, défocaliser l’arrière-plan et ajouter un gros spotlight sur ma face, ma face que j’examinais avec une attention démesurée. Ce visage scruté à la loupe, dans ces moindres angles et replis. J’étais passé maître dans l’art de me défigurer par tant de modifications. Je me croyais artiste de la photographie, la reine des selfies. En réalité, j’étais la tristesse incarnée en manque d’amour de soi. J’aurais aimé m’analyser plus tôt et comprendre que ce vide intérieur ne se comblerait point avec de faux cils et une tignasse volumineuse, des photos retouchées, des likes ou des regards envoutés dans les bars.
Las de ce manège récurant, pas si gratifiant, et oh combien malsain, car j’étais rendue alcoolique, j’ai décidé de renverser les choses. J’ai sorti le balai et récuré les coins sales. J’ai entrepris le grand ménage du printemps dans ma vie professionnelle, amoureuse, dans mes amitiés et dans mes habitudes de vie.
Je suis devenue une nouvelle moi. Loin d’être parfaite, mais plus saine dans ma tête. Je ne me sens pas encore tout à fait comblée, du moins, je n’ai plus besoin de cette validation extérieure. J’ai joué aux cartes avec mes priorités. Désormais, je passe gros top 25 minutes devant le miroir le matin. Je me permets de sortir sans lourds fards et sans rallonges de cheveux. J’assume mes ongles rongés. Le contenu de ma garde-robe est l’issue d’options de confort et de sobriété. Les talons vertigineux de trois pouces et les camisoles décolletées jusqu’au nombril font maintenant partie d’un passé lointain auquel je n’ai plus envie d’adhérer.
Les artifices, je les créer avec mes gestes, mes paroles, des relations saines, des rêves et des projets.
Est-ce que tu réussi à miser sur tes qualités intérieures pour te faire valoir? As-tu besoin de revoir tes priorités afin d’atteindre une meilleure qualité de vie?