C’est l’Halloween, j’suis dans’ marde!
Avant
C’était ma fête hier. J’ai mangé le tiers de mon gâteau de fête. Shit! Mais qu’est-ce que j’ai fait là! Avant de reprendre mes esprits, j’ai tout bouffé le crémage à la vanille et la garniture aux framboises. Le cœur me lève. J’hais gaspiller mais j’ai trop peur des récidives, j’ai jeté le reste aux poubelles.
J’arrive de l’épicerie, j’ai acheté trois grosses boîtes de mini chocolats d’Halloween. J’ai mangé huit chocolats sur le coup et dix autres le soir avant de me coucher. Je n’aurais pas dû ouvrir la boîte avant le 31. Maudit que j’suis faible!
C’est l’Halloween! Les nombreux monstres, princesses et super-héros surexcités et un peu apeurés défilent les uns après les autres devant notre porte. On distribue des bonbons jusqu’à 19h. La fatigue nous pogne, on va bientôt débrancher les décorations lumineuses. Sans préavis, mon chum vide le contenant de ce qu’il reste de chocolats (un bon paquet) aux derniers enfants qui cognent à notre porte. Je le chicane. J’aurais voulu les garder. Je me défoule sur les bonbons que mes enfants ont reçus. Je suis saturée de sucre, je dors comme de la crotte.
Le vendredi suivant, on fête mon chum. Deux semaines séparent notre date d’anniversaire. Je prépare des canapés pour l’entrée, des frites maison cuites au four et des salades César pour les à-côtés. Mon chum s’occupe de griller les gros steaks juteux sur le BBQ. Le vin et les rires coulent à flots. J’ai terminé mon assiette et j’ai bu tout le cabernet sauvignon, je suis pleine ! J’ai pris une toute petite part de gâteau, plus pour être polie que par envie. J’ouvre une deuxième bouteille. Aussitôt la visite partie, je mange presque la totalité du gâteau de fête à mon chum. J’ai mal au cœur. Je m’écœure.
Je suis serré dans mes vêtements. Je feel coupable. Je me trouve tellement conne. J’avais réussi à perdre un peu de poids l’été dernier. Pis là, me v’là à tout foutre en l’air. Comme d’habitude ! L’autosabotage semble être mon cheval de bataille. C’est quoi mon problème ? Je m’hais-tu tant que ça ?! Je ne comprends pas pourquoi je m’afflige toute cette honte et cet inconfort physique qui mène inévitablement au dégoût de moi-même. J’vais me reprendre en main demain matin, je me le promets ! Pas le choix. J’ai l’impression de me transformer tranquillement en tante Marjorie Dursley quand elle s’envole, gonflée par un sort de Harry Potter au début du film Le Prisonnier d’Azkaban.
Mine de rien, Noël approche à grands pas. J’aimerais ça m’acheter une nouvelle robe. J’irai en magasiner une dès que je me sentirai plus confortable dans mon corps. Je me suis pesée ce matin, à jeun, nue, je suis découragée. Ça ne peut pas continuer comme ça. J’suis tannée de me sentir grosse. Combien on peut perdre de poids de façon saine à l’intérieur de 6 semaines ? Vingt livres, c’est raisonnable? Je serais donc ben bien avec vingt livres en moins ! Est-ce que ça équivaut à une diminution de taille de pantalon ? Je pourrais mettre une belle robe, pas juste une robe noire pour paraître plus mince. Nenon, une belle robe rose flashy à paillettes! Je vais noter mes mensurations ! Ça me donnera un coup de pied dans le derrière.
J’ai peur. Les bons repas du temps des Fêtes, l’alcool, les desserts, je vais engraisser à Noël, c’est sûr. Le délai restant pour perdre du poids se fait de plus en plus pressant. Je veux me trouver belle sur les photos. Plus question de me faire narguer par ce double menton !
J’ai l’impression que ma motivation se fait de plus en plus expéditive et éphémère. Je ne tiens plus le coup aussi longtemps qu’avant. Ça me prend dorénavant des lustres à me constituer une volonté de fer pour maigrir. Un rien me fait déroger de mon plan. J’suis à bout de moi.
Noël est arrivé ! On se réunit en famille. Il y a des crudités, deux trempettes, des ailes de poulet, des hot dogs miniatures, deux sortes de chips, du fromage en grains, des crevettes avec sauce et des olives. Il y a une table de bonbons, du chocolat et l’apéritif. Ça, c’est juste avant le repas. Après le repas, le dessert et encore tout ce bon vin. Je vais prendre du poids, merde.
C’est le Jour de l’an ! On est reçu comme des rois dans nos familles. Je me garroche dans le buffet. Je goûte à tout. Je passe le reste de la soirée à me sentir ballonnée par toute cette nourriture, tout ce vin et tout ce stress. J’ai hâte de reprendre ma routine alimentaire pour arrêter de me sentir toujours coupable tout le temps. Je dois bien me tenir… jusqu’à Pâques.
J’évite la balance et je m’éloigne des résolutions que je ne maintiendrai pas de toute façon. J’ai envie de maigrir, et vite ! Je ne sais plus quoi faire. J’ai l’impression d’avoir déjà tout essayé.
J’analyse mes options. WW, Noom, une nouvelle cohorte avec une coach. Je télécharge finalement une appli gratuite de suivi de poids. Je me pèse. Câlisse. J’élabore un target de poids réalisable.
Je vais pelleter la neige à chaque bordée, tirer mes enfants en traîneau et aller marcher jusqu’à la boîte aux lettres à chaque jour, tempête ou pas. Je vais me réinscrire à mes cours de kickboxing et j’y participerai assidûment deux fois par semaine. Il faut que je le fasse. Je dois me remettre en forme. Finalement, je ne fais rien de tout ça.
J’ai bien mangé cette semaine. Je me suis rappelé la liste des points WW et j’ai respecté les limites apprises. Je suis tellement fière de moi ! La réussite donne soif ! J’ai envie de célébrer. Juste une autre coupe de vin. Ah pis fuck, je ferai attention lundi, je finis la bouteille.
J’ai bu une bouteille et demie. J’étais ben de bonne humeur. Je me suis couché pas mal tard. J’ai feelé comme de la crotte le lendemain. La journée va été longue en titi amanchée de même.
J’ai survécu à la matinée. Je me call une grosse poutine italienne livrée par le resto le plus crasseux de la ville, avec un coke diète SVP, merci! Si je termine ma poutine, j’explose. Je garde le reste au frigo. Je ne sais pas pourquoi je fais ça. La sauce s’imbibe dans les frites et elles deviennent toutes pâteuses et mollasses. Il ne reste que 2 ou 3 fromages en grains. Je devrais la jeter aux poubelles, mais je n’aime pas le gaspillage.
Je m’écrase dans mon lit. J’ai mal au ventre. Je suis brûlée. Je bois un coke diète et je mange des chips et des bonbons achetés au dépanneur pour me crinquer. Finalement je termine ma poutine. Ça va me donner l’énergie nécessaire pour survivre jusqu’à ce soir.
Enfin l’heure du coucher ! Je me tortille de tous les bords, de tous les côtés, toute la nuit durant. Je baigne dans un lac de sueur, mon corps semble se désintoxiquer naturellement de tous ces excès. Le sommeil agité n’est en point réparateur. Je suis fatigué en me levant. « Veux-tu un café babe ? » Non merci, que je réponds à mon gentil chum. Je bois le restant du coke diète flat et tiède qui traine sur ma commode. « On mange du spaghetti ce soir ? » « Oh ouiiiiiiiiiiii ! Bonne idée mon amour !! »
Ma journée se déroule rondement, tranquillement. La soirée tombée, je me fais une assiette beaucoup trop grosse de mon confort food de prédilection. Je rajoute beaucoup de sel. Je râpe du fromage pour gratiner mon spag. Je bois un coke diète, ou deux. On finit le reste des chips avant de se coucher. Je feel dégueu. Demain, je vais faire attention.
Lundi est arrivé. La fatigue perdure. Je passe la journée comme je peux. J’ai la tête dans la brume. Je prie pour que ça passe vite au bureau. Je bois deux cafés noirs pour me tenir réveillé. Ça fonctionne bien la première heure. Maudit que j’ai hâte de retourner chez nous! Je ne m’affligerai plus ça, je me le promets !
J’ai fini le boulot, je suis allée chercher des salades. J’suis enfin chez nous. J’suis exténuée! Je dois me forcer; le lavage, le souper, vider le lave-vaisselle, le remplir, sortir les poubelles, la liste des tâches me semble interminable. Je procrastine. Trop fatiguée. Je décongèle une pizza au four et je perds mon temps sur les réseaux sociaux.
C’est vendredi, enfin ! Un apéro, pis deux, pis trois, je bois trop.
Je ne comprends rien ou quoi ? J’ai zéro volonté ! J’suis juste une grosse lâche.
Et c’est reparti pour une autre semaine où je cherche un moyen de reprendre le goût à l’activité et à me nourrir adéquatement.
Maintenant
Lorsque je m’ennuie ou lors d’un moment de stress, je mange, peu importe ma faim. Mon exutoire est accommodant aux émotions que j’ai l’impression de ressentir toujours trop fort. Ça les amoindrit on dirait. Maintenant que j’en suis consciente, c’est plus facile de me pardonner, de comprendre mon comportement et de l’éviter quand je peux.
J’me donne des trucs sans toutefois me priver. Je demande à mes proches de ne pas me préparer de gâteau de fête. J’achète les bonbons la veille de l’Halloween. Je mange de tout et en quantité nécessaire lors des repas familiaux. Je tente d’écouter ma faim, ça me permet d’être moins porté à dévaliser les restants par après. Je bois lentement et moins! Même si je me sens ballonné, je me dis que ça va passer, pas la peine d’en faire du boudin. Ma victoire est de ne pas sombrer dans de vicieux excès. Je peux profiter des lendemains car je pète le feu !
J’avoue que les grands évènements m’amènent tout de même un pesant stress quant à mon poids et mon image. Finalement, me mettre de la pression à faire fondre la graisse se résulte en l’effet contraire. La pression que je m’impose me cause du stress et me pousse à manger plus pour calmer mon for intérieur. Big big fail.
Ce que j’ai compris avec les troubles alimentaires, c’est que les notions de motivation, de faiblesse et d’absence de volonté sont erronées. Les signaux internes, comme le sentiment d’être repus ou la faim, après un TCA, sont souvent altérés. Ça peut prendre un bon moment avant de se réapproprier ces sensations naturelles. Un peu comme si notre organisme était en distorsion avec la réalité. De le comprendre, ça m’aide à me conscientiser sur ma propre indulgence. Le corps a une mémoire, j’en suis convaincue ! Je crois que mon corps me pardonnera de tout ce contrôle, de toute cette violence et de tous ces excès et il recommencera à me faire confiance avec le temps. Je vais lui donner un break, je vais être patiente. Il en a besoin et il le mérite.
La chienne de grossir, c’est encore profondément ancré en moi. Ce qui diffère d’avant est le raisonnement rationnel que j’en fais. Le cheminement parcouru m’a enseigné que ce qui importe pour vrai, c’est cette nouvelle liberté que je ressens. Je ne me sens plus enchaînée aux endoctrines sociétales de la culture des diètes et de la vénération de la minceur. Mon pouvoir de réflexion et d’observation critique s’est accru. Je me concentre sur l’action de nourrir ce corps, lui faire du bien. Le bien-être mental ne peut qu’engendrer une sérénité émotionnelle et une paix physique.
C’est l’Halloween bientôt, je vais en profiter. Je vais manger des bonbons et des mini-chocolats. Je vais également marcher beaucoup avec les enfants et me reconnecter avec cette fête que j’aime tant sans en faire tout un plat si j’engraisse un peu. C’est l’Halloween et je suis loin d’être dans’ marde !