Faire front aux imprévues

Il annonçait de la neige dans la nuit du vendredi à samedi. J’avais une pensée pour le blanc et doux week-end à venir. La température prédisposait aux activités de glisse, j’anticipais déjà les éclats de rire des enfants, leurs joues rougies et leurs yeux pétillants d’une première bordée. Le moment propice à se livrer à notre tradition de cueillette de sapin était tout indiqué en cette fin novembre. J’avais hâte de bâtir de joyeux souvenirs en famille !
Au petit matin, à bord de mon véhicule, j’empruntai le même chemin de terre qu’à l’habitude. Quinze minutes me séparaient de l’hôpital, mon lieu de travail. J’étais sur mon erre d’aller. J’écoutai Paul Arcand taquiner ses collègues à propos de l’énigme thématique de la semaine. Une grosse tache beige m’a soudain bloqué la vue. Les coussins gonflables se sont déployés. Au même moment, j’entendais un bruit sourd de fracas. De la vitre cassée, ou de la tôle froissée ou les deux, je n’en avais pas la moindre idée. J’ai enfoncé le frein. M’apercevant que je glissais dangereusement vers le fossé, à la lisière de la forêt, j’actionnai le frein à main, un peu en proie à la panique.
Je me suis empressée d’évacuer mon véhicule. C’est en remarquant la bête étendue au sol que mes poumons s’allièrent à mes cordes vocales en un cri d’effroi assourdissant. Je commençais à hyperventiler (j’ai horreur des roadkill). Je me suis souvenue tous les livres lus sur le moment présent et la relaxation par la respiration. Ça a réussi à calmer mon cerveau qui se comportait comme un gamin hyperactif en surdose de caféine à la veille d’une tempête. Je n’avais jamais percuté de cervidés auparavant. Puisqu’il n’y avait aucun signe de vie aux alentours, j’ai décidé d’appeler mon chum.
Devant un danger ou une situation de peur, on peut réagir grosso modo de trois façons : attaquer, s’enfuir ou figer. Moi, dans de telles situations, je fige. Mon chum, lui, il attaque. J’ai appelé mon chum pour qu’il m’aide à me sortir de mon état de torpeur et de catatonie. C’est souvent mon premier réflexe afin de m’épauler dans la recherche de solutions.
Mon chum est arrivé quelques minutes plus tard en cohorte avec deux véhicules d’urgence et une voiture de patrouille. En quelques minutes seulement, ma voiture se faisait remorquer, ma déposition et le constat d’incidents étaient complétés et mon dossier de réclamation était ouvert avec mes assurances. Mon chum me reconduisit à la maison. J’étais maintenant à pied, un peu secouée, mais sans aucune égratignure. Merci, ma défunte voiture !
Quelques heures plus tard, mon amoureux et moi nous nous retrouvions à l’urgence avec notre deuxième garçon en voie à une terrible crise d’asthme causée par l’influenza. Je vous épargne les détails, mais je peux vous confier que les deux jours suivants à veiller sur mon fils hospitalisé étaient pénibles et crève-cœur. Il n’y a rien de plus déchirant, d’après moi, que d’assister, impuissante, à un enfant qui en pâtit. J’aurai fait n’importe quoi pour prendre sa place afin de lui épargner une autre détresse respiratoire.
Même s’ils nous brusquent et bousillent nos plans, les imprévues font partie intégrante de la vie. Il faut savoir les accepter et, en quelque sorte, les anticiper. Par là, je ne veux pas dire qu’on doit être en constante vigilance sur tout, tout le temps, mais de s’attendre à ce qu’il y en ait, des imprévues. Ça arrive, ça va toujours exister. Nous avons par contre un peu de contrôle sur la façon de les gérer. L’adaptation, le positivisme et la débrouillardise sont des aspects intéressants sur la façon dont nous pouvons faire face à la vie et ses imprévisibilités. Si on pousse un peu plus loin, on peut même parfois en saisir des opportunités.
Ma voiture s’en va à la fourrière ? D’accord. Je vais en magasiner une plus économe en énergie selon le budget qui me sera alloué. Mon garçon est allé à l’hôpital ? OK, il a reçu un bon traitement, il a bien été pris en charge, j’ai enrichi mes connaissances en inhalothérapie et maintenant il va mieux ! J’ai l’impression que la vie m’a bousculée un peu afin de me redresser sur ce qui compte réellement: la santé!
Je le conçois, parfois la vie est injuste et c’est impossible de discerner du positif dans ce qui arrive. Je te souhaite une douce et paisible vie mon ami.e, que celle-ci ne soit pas trop parsemée de peaux de bananes !