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Mon défi au quotidien: gérer les émotions autrement qu’avec la nourriture

Hypersensible

Je me suis toujours sentie différente. Je ne pourrais décrire comment précisément. Mais toute ma vie, je me suis définie comme la weird, la fuckée. Je me plaisais à penser que j’étais le p’tit mouton rose du troupeau. Je m’exprimais différemment, je raisonnais différemment, je réagissais différemment. Je ne me sentais pas « comme les autres ». Par extension, j’ai rapidement adapté mon look pour qu’il s’harmonise avec mon intérieur et en reflète l’individualité que je ressentais. Je ne voulais pas me fondre dans la masse.

Adolescente, je me suis cherchée sur un moyen temps. Mes cheveux ont porté toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. J’ai eu une passe, vers 13 ans, je ne portais jamais de robe ou de jupe, ni même de jeans. J’étais en pantalon « yo » que je combinais à des t-shirts trop grands de Guns N’ Roses ou de Def Leppard que je piquais à mon frère. Plus tard, en secondaire 3, je m’habillais qu’avec de longues jupes que ma mère me confectionnait. Je rêvais d’avoir de longues rallonges de cheveux alors que ça n’existait pas encore (pas comme aujourd’hui et surtout pas en Beauce!). J’ai donc patanté quelque chose. Je suis arrivée à l’école avec des rallonges de tresses de cheveux que j’avais coupées d’une perruque d’Halloween et que j’avais fixées sur ma tête avec des dizaines de bobépines. J’avais couvert ma tête d’un foulard pour cacher les pinces qui retenaient le tout de manière précaire. J’avais reçu des commentaires dans la journée, ça m’avait froissé. Je ne sais pas trop ce à quoi je m’attendais de la part de mes comparses-écoliers. Qu’ils ne remarquent rien ? Qu’ils remarquent, mais se taisent ? Aucune idée. Ce que je sais, c’est qu’en dedans, je me sentais différente des autres et je voulais me démarquer à tout prix sans toutefois être jugé.

J’ai longtemps (et très récemment!) pensé que j’avais un TDAH. Je n’ai jamais consulté pour le savoir, car je n’aurais pas eu l’intention de prendre une médicamentation. J’avais peur qu’une prescription puisse altérer ma personnalité. Je l’aimais bien comme ça, ma personnalité. Je ne voulais pas la modifier chimiquement malgré les désagréments des « symptômes » vrais ou imaginés. Ce qui me donnait la puce à l’oreille dudit diagnostic ? L’incapacité de me concentrer aux conversations lorsque j’étais attablée au restaurant avec des amis. Je devais me démener comme une forcenée pour suivre le flux de la discussion. Absolument tout autour était matière à détourner mon attention. J’ai aussi une fâcheuse tendance à couper la parole. J’ai peur que, si je n’exprime pas immédiatement ma pensée, celle-ci s’envole et disparaisse à tout jamais. Ça va trop vite dans mon cerveau. Je pense que je pense trop.

Je suis hypersensible aux bruits, aux odeurs et à la lumière. À l’école primaire, durant la pause du midi où nous passions 45 minutes à l’extérieur, je passais ces longues minutes à gérer la luminosité intense du soleil, mes yeux en pleuraient immanquablement. Quand c’était l’heure de rentrer en classe, je ne voyais plus rien à l’intérieur de l’école. Mes yeux s’étaient habitués à la haute clarté, je devais les réhabituer aux couloirs sombres. Je fonçais dans les gens et dans les murs. Mes parents m’avaient proposé l’idée de porter des lunettes. Au contraire de mon adolescence, à cette époque je ne voulais pas être remarqué. J’aurais très bien pu gagner la première place du concours de l’enfant la plus gênée de l’école. J’avais les cheveux châtain long et gras, les dents croches, des boutons sur le front, le menton et dans le dos et j’avais des seins que j’essayais à tout prix de camoufler. Faque non merci papa, maman je ne porterai pas de lunettes de soleil durant les récréations! J’aurais été la seule à en porter, ce qui aurait définitivement attiré l’attention et des remarques.

En tant qu’hypersensible, les conflits me sont insupportables. Puisque j’ai l’impression de « feeler » les émotions de mon entourage, un simple regard mal interprété, un mot de travers ou un geste brusque d’une collègue, d’une amie ou même d’un inconnu peut me générer un très grand stress. J’suis aussi pogné avec la peur constante de blesser quelqu’un. Je suis d’un naturel impulsif, je parle avant de penser. Je me mets souvent les pieds dans la bouche.

Contrairement à mon chum qui a besoin de faire de la course automobile, du rallye sur neige ou du vélo de montagne pour ressentir de l’adrénaline, moi, j’ai juste à vivre mon train-train quotidien pour ressentir des émotions fortes.

C’est ma meilleure amie qui m’a fait remarquer que j’étais peut-être hypersensible et non TDAH. Quand j’ai lu la description et les caractéristiques de l’hypersensibilité, c’est comme si j’avais débloqué la dernière énigme du Père Fourra à Ford Boyard! Je trouvais enfin un gros morceau de casse-tête manquant depuis toutes ces années! Ça expliquait tellement de choses! Puisque ça ne se « guéri » pas, je devais composer avec cette condition. Ça me soulageait de pouvoir enfin mettre un mot sur ce trait de ma personnalité.

Je pouvais enfin répondre à toutes ces questions : pourquoi je me sentais aussi vidée après un souper au restaurant entre amies, pourquoi j’évitais les foules, pourquoi je me sentais parfois « sauvage » avec les autres, pourquoi je ressentais vivement les émotions des autres, pourquoi une phrase pouvait me chambouler pendant plusieurs jours, pourquoi je me sentais autant affectée par un conflit, pourquoi je trouvais la solitude rassurante et apaisante et, surtout, pourquoi la nourriture était aussi réconfortante.

Je pense que mon hypersensibilité est une des nombreuses raisons pour lesquelles je mange trop. Camoufler les émotions avec la nourriture ça fonctionne. Mais c’est une solution à court terme. Ça dure le temps d’un pot de crème glacée ou de deux hot-dogs réchauffés au micro-ondes à 8 heures le soir. Manger me permet de calmer mon intérieur en m’offrant un plaisir immédiat. C’est une sale habitude difficile à défaire. Je me demande si je n’étais pas hypersensible, si je serais moins tenté de me remplir autant de nourriture.

Peut-être aussi que mon sens du goûter est exacerbé par cette hypersensibilité et que le plaisir découlant de me nourrir est amplifié. Ça pourrait être une avenue intéressante à étudier. Quoiqu’il en soit, je dois me trouver de nouvelles échappatoires saines et apprendre à vivre avec le trop plein d’émotions qui me submergent au quotidien.


Penses-tu être hypersensible toi aussi ? Comment calmes-tu la tempête d’émotions qui t’habite au quotidien ?

2 Replies to “Hypersensible”

  1. Monique Roy dit :

    C’est quelque chose que tu as bien géré malgré tout. Car j’ai bien aimé tes couleurs arc-en-ciel dans ton adolescence.
    Je trouvais que tu affirmais bien ta personnalité mais jamais je n’aurais pensé à tout ce stress.
    Bon cheminement. Tu écris très bien et à la radio tu t’exprime très bien aussi

    Au plaisir de te relire Karine.

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