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La pointe de l’iceberg

L’évitement des émotions et de la réalité résidaient par les partys et la consommations excessive d’alcool alors que ma mère était malade.

Les troubles alimentaires sont les conséquences de quelque chose de plus profond que le trouble lui-même, j’en suis certaine. Le corps, le poids, l’alimentation, ce n’est pas ça le vrai problème. Les causes des TCA sont vastes et bien souvent multifactorielles. L’environnement social, l’état psychologique ou l’hérédité peuvent tous être des aspects interdépendants de l’élément déclencheur de la souffrance qu’entraîne les relations problématiques avec l’alimentation et son image corporelle. C’est peut-être un deuil non accepté, une facette de personnalité perfectionnisme à l’extrême, une estime de soi déficiente, une orientation sexuelle non assumée, une agression physique, psychologique et/ou sexuelle, un traumatisme d’enfance, de l’intimidation, une gestion inefficace des émotions, une insatisfaction corporelle, etc. On a tous notre histoire, notre passé, nos bibittes.

Pour entamer un rétablissement, il faut se poser des questions, creuser. Il faut comprendre d’où provient le trouble alimentaire ou l’insatisfaction de son corps. Gratter la source, la décortiquer, l’exposer et l’accueillir pour enfin faire la paix avec. Ce n’est pas une partie de plaisir, on va s’le dire. Chercher des ressources, recueillir de l’information, trouver de l’aide et en parler sont les étapes obligées afin de se donner les fameux outils nécessaires pour avancer et se défaire des nœuds que ces désagréments et traumatismes ont engendrés. On détient le pouvoir de devenir l’investigateur d’une onde de choc dans notre vie, un séisme qui peut entraîner d’heureux changements à long terme. Ça vaut le coup d’essayer, non ? Afin de cesser de stagner, cesser de ruminer. Pour aller mieux dans notre tête, dans notre cœur et dans notre corps. Je comprends qu’il n’y a rien de l’fun de brasser de la vieille marde. La prise de conscience est généralement souffrante. Et cette souffrance est un passage obligé à cette conscientisation interne, à cette reconstruction de nous-mêmes. Un mal nécessaire pour aller de l’avant, finalement.

J’ai eu mes premières menstruations lorsque je venais tout juste d’avoir 9 ans. Mon corps était prêt à enfanter tandis que je jouais encore aux Barbies et que j’écoutais Passe-Partout en cachette. Y’a comme un p’tit clash là. Le décalage entre l’image de ce corps de femme qui s’était formé prématurément (ou plutôt déformé… de ce que j’en percevais à cet âge), et l’immaturité mentale que je possédais était perturbant pour la petite fille que j’étais. Moi, qui étais déjà hyper timide, je voulais carrément me fondre dans les murs. Ces circonstances ont ébranlé mon parcours. Ma génétique avait mis la table sur l’estime que j’allais entretenir avec moi-même dû aux changements physiques précipités et non désirés. Je me demande parfois si l’anorexie ne s’est pas immiscée par un désir inconscient de me réapproprier le contrôle de mon corps et de soustraire ces courbes qui me rebutaient. J’aurais sans doute pu braver cette entrave facilement si d’autres évènements majeurs extérieurs n’avaient pas secouer pour de bon ma tour un brin fissurée.

En allant consulter une nouvelle psychologue, j’ai dû faire un récapitulatif express pour qu’elle comprenne dans quoi elle s’embarquait. Le mal de tête que j’ai eu en sortant de son bureau, oh là là ! Je venais de faire un monologue assez éprouvant d’une heure. J’ai l’impression d’avoir vécu quelques drames non négligeables dans ma vie. Je ne veux pas dramatiser ma situation ni être dans la comparaison avec les malheurs des autres. Y’a des gens qui sont passés par pire, et d’autres où la vie a été plus douce. La façon dont on traverse les obstacles est complexe et différente d’un individu à l’autre. Durant cette première rencontre, j’ai réalisé qu’il y avait deux évènements assez bouleversants de ma vie qui accrochent encore aujourd’hui. J’ai compris que je n’avais pas convenablement fait le deuil de ma maman (je m’en doutais pas mal, mettons !). Je ne pourrais dire par quelle étape du deuil j’en suis, mais il me reste encore coincé dans le fond de la gorge pis du cœur. J’aurai définitivement à travailler sur ce point avec ma psy à nos prochaines rencontres. Mes glandes lacrymales sont préparées!

C’est en lui déboulant les grandes lignes de mon passé que je me suis rendu compte que je n’avais jamais vraiment parlé en profondeur de la période où j’ai vécu de la violence conjugale. J’ai été agressée physiquement et psychologiquement par un gars dérangé. J’ai rencontré cette personne quelques semaines après le décès de ma mère. J’étais dans un état de vulnérabilité sans nom. Puisque les manipulateurs narcissiques ont un bon radar pour les personnes faibles, je suis tombé entre ses griffes comme une souris est attirée par le fromage dans la trappe de la mort. J’ai vécu un peu plus d’un an avec lui. J’ai tellement voulu le quitter souvent. Il contrôlait tout; mon argent, mes fréquentations, mes allers et venues. Il m’avait peu à peu enfermé dans son cocon de psychose. Je ne voyais plus ma famille ni mes amies. Il m’avait amené à consommer toute sorte de drogues. Chaque fois que je tentais de me sauver de ses séquestrations lorsqu’il « voyait rouge » (c’était le terme qu’il utilisait quand il était violent), il menaçait de se suicider. Avoir une mort sur la conscience était au-dessus de mes forces. Je prenais ça pour du cash. Je le croyais dur comme fer. Un sacré acteur ! Pis moi une pas pire naïve ! Le wake-up call s’est passé le lendemain d’une soirée de débauche. Je crois qu’il m’a agressée sexuellement, mais je ne m’en rappelle pas. Je soupçonne avoir été droguée au GHB. J’avais consommé allégrement mush, speed et pot dans la même soirée. Tous est flou. Ce qui me met la puce à l’oreille, c’est l’état dans lequel je me suis retrouvée le lendemain. J’avais mal partout. J’avais des bleus partout. Je peinais à respirer tant mes côtes et mes poumons me faisaient souffrir. J’ai eu un black-out comme je n’en ai jamais eu, une sorte d’amnésie. Je ne me rappelais pas quel jour nous étions, ni comment je m’étais rendue dans notre appart miteux de Longueuil, ni pourquoi je dormais dans le sofa et que j’étais seule. Cette journée-là, j’ai appelé à l’aide. Ma famille est venue me chercher et j’ai plié bagage. J’ai déposé une plainte à la police. Je n’ai plus jamais remis les pieds dans ce lieu et je n’ai plus jamais revu ce déséquilibré, sauf dans mes cauchemars ou en crise de paranoïa en apercevant quelqu’un qui lui ressemble.

J’ai développé un choc post-traumatique que je terrais dans les tréfonds de ma mémoire. Lorsque j’ai adressé le portrait de mon expérience à ma psy, elle m’a tout de suite averti que je devrai y revenir de manière plus approfondie lors de nos prochaines rencontres. Ça me tente-tu ? Oh fuck non !! Mais je sais que je n’ai pas le choix de crever l’abcès de malaise une bonne fois pour toute. Je vais faire confiance à cette professionnelle qui en a entendu d’autres et qui a sûrement une ou deux phrases dans son bagage de psychologues pour me soulager de ces effroyables souvenirs. Remplumer mes ailes, atteindre cette liberté émotionnelle qui a été un peu trop secouée à mon goût et alléger le fardeau de ce lourd sac à dos de vie que je trimballe serait un résultat plus qu’espéré.

Dans l’appartement miteux de Longueuil où les trous dans les murs et les cris étaient choses normales.

On doit avancer un petit pas à la fois. Si on conserve nos problèmes secrets, la montagne semble trop haute pour être gravie. Tsé, lorsqu’on se retrouve avec un nerf coincé dans le dos, on n’hésite pas trop longtemps à prendre rendez-vous avec un massothérapeute, un physiothérapeute, un chiropraticien ou un ostéopathe. Cette douleur entrave le bon déroulement de nos journées, c’est normal de la soulager ! Des fois, on l’endure et on se dit que ça va finir par passer. Pis d’autres fois ça empire, on se tanne et on programme une case horaire pour le rendez-vous. J’ai longtemps tardé à aller consulter une psychologue. Je me trouvais « fonctionnelle ». J’avais balayé tous mes bobos en dessous du tapis. Je m’enfargeais dedans, mais j’étais rendue habituée. J’avais développé des trucs pour contourner les déformations du sol. Je consommais énormément d’alcool, je m’abstenais de manger ou, au contraire, je me consolais avec la nourriture ou avec des gars aussi poqués que moi. J’avançais quand même dans ma vie. Je travaillais, j’avais une vie sociale active, j’étais indépendante financièrement. Sauf que ça me prenait toujours des béquilles pour la vivre, ma vie. Pis un moment donné, on se tanne des dépendances et des souffrances. J’ai sorti de sacrés gros cailloux de mon sac en me rétablissant des TCA, de l’alcoolisme et de ma dépendance affective.

Je me souviendrai toujours du moment où j’ai avoué mes troubles alimentaires à mes proches. J’en ai pleuré une claque, parce que j’avais honte et surtout parce que j’ai été accueilli à bras et cœurs ouverts. La dose d’amour et d’espoir reçue m’a touchée et émue. Je sentais qu’à partir de ce moment-là, je n’étais plus seule dans ma tempête. J’avais des alliés qui me backaient. Si aujourd’hui je suis capable d’en parler avec toute l’ouverture et la franchise du monde, c’est que j’ai franchi le premier pas, le plus difficile. Les mots initiaux, une fois sorties, ne laissent plus de place à la honte. De fil en aiguille, ça m’a amené à créer un blogue, à rencontrer des individus magnifiques qui, comme moi, ont souffert de TCA ou gravitent dans cet univers en tentant d’aider à leur manière en semant des graines. Pas à pas, avec mon expérience et mes connaissances sur ce sujet qui m’est bien connu, je démystifie la question, je sollicite un discours fluide et facile d’accès, sans tabous, sans gêne, sans peur du jugement. Lorsqu’on franchit enfin les limites de cette peur, plus rien ne peut nous atteindre et nous empêcher d’avancer.


Si toi aussi tu souffres, je te souhaite de te défaire de tes nœuds et de tes béquilles pour enfin goûter à la vraie liberté que de t’exprimer en toute aise! Donne toi la chance d’être aidé!

2 Replies to “La pointe de l’iceberg”

  1. Leclerc Sylvie dit :

    Tu as une sacrée belle plume et tu me fais tout le temps bien ressentir tes écrits même si je ne peux pas comprendre totalement. Bravo Karine

    1. Merci Sylvie de me lire même si tu n’es pas touchée par les TCA (et heureusement! 😉). Merci pour ces beaux mots. Je me sens un peu imposteur lorsque j’écris, ce genre de message me confirme que je peux le faire et que je suis à la bonne place! ❤

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