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Le spaghetti à ma mère

Ma belle maman d’amour!

Ma mère, c’était toute une cuisinière ! Jadis, lorsque mes parents recevaient à souper, immanquablement, les invités sollicitaient sa recette qu’elle leur octroyait de bon gré, retranscrite de sa main. C’était gage qu’elle avait réussi son repas. Elle était reconnue pour ses nombreuses spécialités ; son pain, ses crêpes, sa pizza, ses ribs de porc caramélisé chinois, son pâté mexicain, sa tarte au citron et j’en passe, la liste était longue.

Deux ou trois fois par année, elle faisait une grosse batch de sauce à spaghetti qui nous durait des mois. Elle modifiait toujours sa recette à chaque nouvelle fournée. Un peu plus d’épices Mamma Mia ici, des pepperonis ou des saucisses par-là, parfois, c’était du sirop d’érable pour remplacer la cassonade. Elle ne ratait jamais son coup. C’était mon confort food par excellence. Ce repas me nourrissait l’âme et me rassasiait pour la soirée. Quand ma mère me demandait ce que je désirais manger pour souper, invariablement, je lui répondais du spaghetti. Il n’y avait rien de plus réconfortant que l’odeur qui se dégageait dans la maison lorsque la sauce réchauffait.

En plus d’être sa spécialité, sa sauce à spaghetti, c’était sa fierté. Les compliments pleuvaient toutes les fois que quelqu’un y goûtait. Son amour pour nous se reflétait dans l’attention qu’elle accordait dans la concoction de ses plats. Elle en prenait plaisir et elle y mettait du cœur. Ma mère, c’était la meilleure cuisinière que je connaissais.

Son départ a laissé un gros vide derrière elle. Ma mère est décédée à 42 ans, j’en avais 19. Bien que mes troubles alimentaires aient commencés bien avant qu’elle nous quitte, je me demande si le néant que je ressentais au fond des tripes, peut-être causé par cette perte et le deuil si difficile à faire (même 19 ans plus tard) auraient en quelque sorte exacerbé mes troubles d’hyperphagie. Remplir le vide avec la nourriture en calmant les ardeurs de mes émotions a longtemps été mon moyen de défense et mon auto médicamentation. Aujourd’hui, la thérapie m’aide à apprivoiser les émotions, à les accueillir tels qu’elles sont, sans jugements ni analyses profondes. Au lieu de manger, je tente de les gérer (c’est encore une technique en construction mais j’y arrive lentement mais sûrement!).

Ma mère nous a légué cet héritage qui vaut une fortune à mes yeux : ses recettes. Je n’ai pas récolté ses talents de cuisinière. Je n’aime généralement pas suivre les modes d’emploi. Je n’ai jamais osé recréer l’une de ses recettes par peur de me décevoir et de gâcher mes souvenirs si précieux. Je préfère conserver ma mémoire gustative intacte. Qui sait, peut-être un jour je m’armerai de courage et mettrai les mains à la pâte pour confectionner le meilleur pain au monde afin de le faire découvrir à mes enfants en leur confiant que c’est une recette toute spéciale qui provient de leur mamie qu’ils n’ont jamais connus ?

Après tout, se nourrir devrait être un acte de bienveillance, de respect et d’amour envers nous-mêmes. Le repas, à la base, est un moment de partage familial. On devrait en faire un rituel qui se traduit par du bon temps passer avec nos proches. Même seul.e, on devrait prendre le temps de s’alimenter adéquatement. Lorsque j’habitais seule, la plupart du temps, j’ouvrais une canne de thon et une autre de petits pois que j’avalais à la dérobée à même le contenant. J’étais debout et je mangeais vite sans savourer, le but étant d’en finir au plus vite afin de remplir mon estomac et de passer à autre chose. Mais quel gaspillage ! J’aurais eu assurément plus de plaisir à me cuire un vrai poisson et à préparer des légumes frais, soigneusement sélectionnés au marché du coin. Est-ce qu’on oserait servir un repas en canne à un.e ami.e? Pas moi en tout cas. Jamais plus je ne vais me traiter de la sorte. J’ai compris avec le temps que, quand on se donne la peine, le sentiment de bien-être et de respect qu’on éprouve envers nous même mérite amplement les efforts.

J’ai très longtemps boudé mon repas préféré. Dans le but de maigrir (d’après ce que les gourous de la santé nous dictaient il n’y a pas si longtemps), c’était bien important d’éliminer les 3 « P » (pain, pâtes, patates), ces grands prolifiques à glucides de malheur! Il y a quelques années, souhaitant les réintroduire dans mon alimentation, j’achetais des pâtes à base de tubercule fibreux de konjac, qui sont faible en glucides. La texture, l’odeur, le goût, absolument tout est différent des pâtes standard de semoule de blé. Je détestais ça! Mais j’en mangeais quand même. C’était mon truc qui me tenait loin de la culpabilité de consommer des vraies pâtes. Je suis heureuse que cette abstinence soit chose du passé. Je peux vous confirmer que je mange du spaghetti chaque semaine ou presque dans l’absence total de remords!

Je me sens nostalgique du spaghetti à ma maman d’amour. Aujourd’hui, (que j’ai de la chance!) c’est mon chum qui concocte la meilleure sauce au monde. En plus, c’est notre repas préféré à toute notre petite famille. J’espère que ces moments se transcriront dans la mémoire de nos enfants et qu’ils perpétueront à leur tour ce doux instant avec leur propre famille dans un avenir rapproché.

Avec mon frère et moi dans la chaise berçante dont je me rappelle les moindres détails.
Ma belle petite maman avec mon cousin David et moi.

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