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Je suis plus équipée pour affronter les tempêtes aujourd’hui

Mes dommages collatéraux

Mes troubles alimentaires ont engendré de fortes vagues de conséquences. On pourrait même appeler ça un tsunami. Ça a fait des ravages incommensurables à moi et à mes proches.

Ah, c’était ben cool l’anorexie. Je maigrissais, j’avais l’esprit plus sharp et le sentiment puissant de prendre le contrôle sur ma vie.

Pis après, j’me suis mis à avoir crissement froid, tout le temps. Je perdais mes cheveux par poignée, dans la douche et dans la brosse à cheveux. Mon énergie était à plat. Je fantasmais sur la nourriture d’une manière très intense. J’en rêvais le jour, le soir, la nuit, je pensais tout le temps à la nourriture dont je me privais. Je m’isolais de tout le monde, car personne ne me comprenait. Je passais mes journées entières à calculer les calories. Je ne prêtais plus attention à mes cours, j’étais trop occupé à planifier mes maigres repas. Je pouvais me faire violence si j’engraissais, ne serait-ce que de quelques grammes. Je n’avais plus le goût de voir personne. Les gens me gossaient, ma famille me gossait, mes amis me gossaient, je me gossais, le monde entier me gossait. Ma personnalité naturelle de fille joviale, souriante et ricaneuse avait pris le bord. Je passais mon temps à regarder des vidéoclips pour me comparer à mes idoles. J’avais des crampes au ventre et la faim me tenaillait continuellement. Ça faisait mal. Je devais trouver des excuses de plus en plus loufoques pour éviter les soupers de famille. J’ai fait de la peine aux êtres que j’aimais le plus sur la terre, car ils ne savaient plus comment me parler ou m’aider. Je me fermais au monde entier. Je passais mon temps seule, cloîtrée dans ma chambre, à tâter mes côtes et écouter de la musique depressed en attendant que je puisse enfin aller me coucher pour arrêter d’avoir faim et d’avoir froid. Mes parents n’osaient plus sortir de la maison en ma présence, ils ne supportaient pas les regards inquisiteurs des gens sur leur fille malade. Ils se sont creusé la tête à savoir où ils avaient échoué avec moi. Ils ont pensé que je souffrais par leur faute. Ma famille que j’aimais plus que tout s’est blâmée en s’imaginant que c’était leur faute. Ça me tue.

Ah! L’hyperphagie aussi, c’était cool. Je mangeais tout ce que je voulais, quand je voulais. Je me donnais la liberté de m’empiffrer. Le plaisir immédiat remplissait le vide que je ressentais à l’intérieur.

Pis après, le vide réapparaissait. Il revenait avec ses amies; la honte et la culpabilité. Il fallait de plus en plus de nourriture pour assouvir le gouffre. Plus je mangeais, plus j’engraissais. Mes vêtements ne me faisaient plus. Je devais les choisir en fonction de leur pouvoir amincissant et non parce que je les trouvais beaux. Au lieu de m’habiller avec des vêtements colorés, brillants ou près du corps comme je les aimais, je les achetais sombres, lousses et couvrants. Je n’osais plus dévoiler mes cuisses ou mes bras. J’avais envie de pleurer à chaque fois que je regardais une nouvelle photo de moi. Je ne me reconnaissais plus. J’avais beau me motiver de toutes les manières qu’il soit, je finissais toujours la face dans le garde-manger à dénicher les aliments les plus riches en gras, en sel ou en sucre. J’avais le sentiment de perdre le contrôle quand je mangeais. À la fin d’une crise hyperphagique, j’avais à peine conscience de ce qui venait de se passer. Mon cerveau ne reprenait ses esprits qu’après avoir ingurgité une quantité astronomique de nourriture. Je m’effondrais ensuite sur le divan, les deux mains à tenir très fort mon estomac. J’avais mal comme ça ne se peut pas. Je me tortillais de douleur. Je voulais dormir pour oublier ce que je venais de faire, mais la souffrance était trop vive pour m’assoupir. Mon estomac était tellement gonflé que ma respiration était laborieuse. La honte ne me quittait plus. J’étais off au travail ou avec mes amis. Je baissais la tête en public. Je ne regardais plus les gens dans les yeux. Je n’avais pas le goût de parler à personne. J’avais juste le goût de m’effacer ou de prendre un scalpel et d’enlever toute cette nouvelle graisse dégoutante qui me déformait le corps et le visage. Je refusais les invitations au restaurant ou à souper chez des amis. Je préférais m’affliger une nouvelle crise, parce que je me trouvais conne et que je pensais que je le méritais. Je m’éloignais de mes amies, de toute façon, qui voudraient m’avoir comme amie ?

Ah! C’était cool la boulimie. Je pouvais manger ce que je voulais et ensuite je pouvais aller brûler tout ça au gym. Je m’autorisais ce que j’avais envie. De toute façon, j’allais l’éliminer par la suite.

Pis après, je me suis mise à vouloir compenser pour tout ce que je mangeais, sans exception. Je me démenais au gym. Le reflet dans le miroir ne me renvoyait pas l’image parfaite que j’avais en tête. La balance affichait une bonne quinzaine de livres en trop à mon goût. J’avais un petit ventre et je le détestais au plus haut point. J’haïssais faire des exercices pour les abdos, mais j’en faisais une tonne quand même. Je ne m’aimais pas. Le soir, je mangeais une tonne de pâtes et finissais la soirée en engloutissant une boîte de céréales au complet. Le lendemain, après m’être traité de tous les noms, je me levais avant le soleil, j’allais courir dans les rues et monter tous les escaliers publics que je rencontrais sur mon chemin. Je prenais mon vélo, pluie pas pluie, froid pas froid, je me tapais la run jusqu’à mon travail. J’arrivais au bureau le mascara dégoulinant, le eye liner tout décrisse pis les cheveux en sueur. Je buvais des boissons énergisantes diètes. J’avais le cœur qui palpitait, mais je m’en foutais. Le vendredi, je faisais un petit spécial, je m’accordais une boisson énergisante au moka. Avec du vrai sucre! Je m’arrangeais ensuite pour aller marcher le plus que je pouvais dans l’édifice pour brûler ce méchant sucre. Je mangeais une petite soupe pour le dîner. J’étais constamment étourdie. Après le travail, je m’arrêtais au gym pour ma routine d’exercice. Environ 45 à 60 minutes de cardio, un peu de musculatures, beaucoup d’abdos et des étirements. Je reprenais mon vélo et me rendais chez moi. Je me couchais à 7 h 30. J’étais vidée, épuisée. Physiquement, mentalement et émotionnellement. J’étais fatigué de tout ce sport, j’étais à cran de toujours penser à brûler les calories et compenser pour les soirs où je m’empiffrais. J’étais à bout de ce désir de modifier mon corps à tout prix et de prêter une attention démesurée à mes complexes.

Au final, il n’y avait rien de cool là-dedans. Je ne m’aimais pas. Il y avait quelque chose, ancré en moi, qui n’allais pas bien du tout. J’en avais plus qu’assez. Et c’est là que j’ai craqué.

J’ai fait un move. J’ai demandé de l’aide. J’ai été voir le médecin. Elle a été compréhensive, respectueuse. Elle m’a soutenu dans ma démarche. Elle m’a recommandé à des professionnels. J’ai consulté une psychologue, avec qui j’ai approfondi mes acquis, mon passé et mes mauvais patterns. On a travaillé ensemble. Je lui révélais mes « pots cassés », elle me donnait des outils pour les réparer. J’ai parlé de mes troubles alimentaires à mes proches, à mes amis. J’ai reçu des bras grands ouverts pour me réconforter et des oreilles toutes ouïes pour m’écouter. C’est là que j’ai commencé à faire ce que je pensais impossible. Je me suis mise à m’aimer.

Aujourd’hui, j’ai cessé l’auto sabotage sur mon corps, mon mental et mon cœur. Les troubles alimentaires sont derrière moi. La tempête est passée. Ça a fait des dégâts. Mais avec de l’aide, j’ai ramassé chaque morceau. J’ai fait du gros ménage. J’ai jeté les lourdeurs, j’ai renforci les bases et réparé les brèches. Il y a des jours, des semaines, où le vent se lève, fort. J’ai en moi un abri plus résistant pour affronter le tourbillon. Je suis maintenant à l’abri.


Te sens tu prêt / prête à faire du ménage dans ta vie? À jeter au poubelle ce qui te draine, à faire de la place à l’essentiel et à prendre soin de toi et des gens qui te supportent afin d’affronter les futures tempêtes ensemble?

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