
Mince et malheureuse
J’étais mince et malheureuse. J’étais hyperphagique et alcoolique. J’avais un pattern de vie très malsain. La semaine, je mangeais à peine et je faisais du sport régulièrement. Le vendredi, je me saoulais. La fin de semaine, je m’empiffrais jusqu’à ce que mon estomac me fasse mal tellement il était dilaté. La parade recommençait le lundi: régime-soûlerie-hyperphagie.
Un jour, mon conjoint de l’époque et moi étions en voyage à Toronto. Nous avions trouvé un charmant restaurant pour notre premier souper dans la grande ville. Le genre de restaurant très chic que fréquentaient des Torontois richissimes et prisés. On s’était mis sur notre trente-six. La salle à manger était petite, bien décorée et bondée. Les lumières étaient tamisées, l’ambiance était feutrée, le repas était somptueux, tout se passait à merveille jusqu’au moment où j’ai acquiescé à la serveuse qui venait de déverser une sauce brune sur mes patates au four. Mon conjoint s’est fâché. On s’est engueulé. J’ai pleuré à la table. Une vraie scène de film. J’ai été me réfugier aux toilettes. J’étais furieuse lui et j’avais honte de moi. Dans ce temps-là, j’étais perpétuellement au régime et mon conjoint de l’époque était au courant. Je lui avais même déjà dit quelque chose du genre: « Empêche-moi de manger si ce n’est pas santé. » Quelle erreur! Il m’avait pris au pied de la lettre. Il remplissait très bien son rôle de police-de-la-bouffe. Il pensait m’aider en me culpabilisant sur mes mauvais choix. À la maison, c’était l’enfer! Aussitôt que j’ouvrais le frigo ou le garde-manger entre les repas, il poussait un énorme soupir. Ce qui exacerbait mon sentiment de honte et d’échec. Souvent, il mangeait santé, lui aussi, juste pour me démontrer comment c’était facile. Facile de manger de façon raisonnable. Facile de faire les bons choix. Il était si fier de moi quand j’entrais dans des robes small! Il m’offrait beaucoup de fleurs et des robes sexy. Jamais de chocolats. Le reste de la soirée à Toronto a été un désastre. On ne s’est réconcilié qu’une fois rentré à la maison.
Je réalise à quel point son attitude motivait mon auto-sabotage. Il avait pourtant de bonnes intentions. Son désir était de m’aider à atteindre mon objectif. J’aurais dû lui expliquer comment l’hyperphagie et l’alcoolisme affligeaient ma vie. Mais je n’étais pas prête à en parler. J’étais dans le déni. J’étais encore loin dans le cheminement de la guérison. Je choisissais la voie de la facilité: continuer de me cacher pour manger et minimiser la gravité de ma consommation d’alcool.
Aujourd’hui, je vis avec un homme qui m’aime pour qui je suis. Il me rassure, il est indulgent et s’en fout royalement quand je fais les mauvais choix. Il sait que je suis une grande fille et que je peux me gérer seule. Il m’encourage et m’épaule de manière saine. Depuis que je suis avec cet homme, les épisodes hyperphagiques ont cessé. Je ne ressens plus la pression comme avant. Je ne bois plus autant. Je sais que je suis humaine et que des fois, je me trompe. Pis ça va arriver encore. Pis c’est ben correct parce que ma relation avec la nourriture s’est grandement améliorée.
Je vous souhaite d’être entouré de gens qui vous aiment sainement et surtout, de vous aimer vous-même.