Mon lave-vaisselle sale
– Maudit que c’est plaisant un lave-vaisselle propre avec un panier qui roule bien, hein mon amour !
– Mets-en ! C’est l’fun de ravoir quelque chose de drette quand ça fait un moment que c’était croche.
– Ça n’a pas été facile, mais on l’a eu !
– Ouin, ç’a été long, mais asteure on peut passer à autre chose !
Notre lave-vaisselle nettoyait très mal depuis de longs mois. On l’utilisait quand même, mais il nous faisait royalement chier. On le remplissait, on actionnait la machine, et 2 heures plus tard on se retrouvait avec une vaisselle à moitié lavée. Je devais frotter la plupart des plats en plastique. La grande majorité des verres étaient encore sales. Par paresse, je les laissais dedans et je relançais un nouveau cycle en espérant qu’un deuxième lavage enlève toute trace de saleté. Je finissais immanquablement par les laver à la main. Il manquait aussi trois petites roues dans le panier inférieur. C’était gossant, le panier débarquait toujours de son système de coulisses. Quand c’était rempli d’assiettes, ça faisait un vacarme et c’était lourd.
J’aimerais dire que je procrastinais la tâche, mais non. J’avais accepté la situation. Je vivais avec un lave-vaisselle défectueux. Je me contentais de sa médiocrité. Mais pas mon chum. Un soir, il a sorti des gants jetables, des produits nettoyants, des chiffons et il s’est mis à genoux durant de très longues minutes à démonter le lave-vaisselle, à le nettoyer de fond en comble et à désencrasser les vieux résidus de nourriture pognés dans le fond du filtre. Mon chum était dans une position physiquement inconfortable, il n’y voyait à moitié rien la tête enfoncée là-dedans, ça puait et c’était franchement dégoutant. Presque une heure plus tard, il avait terminé et il en était fier ! La dernière fois que j’avais vu le lave-vaisselle aussi propre, c’était l’année où je l’ai acheté, il y a 8 ans. Mon chum a démarré un cycle de nettoyage à vide, juste pour être ben sûr. Histoire de repartir à neuf.
J’ai acheté sur internet des roues compatibles avec notre lave-vaisselle.
Le lendemain, on a rempli notre lave-vaisselle de chaudrons, de verres, d’assiettes et d’ustensiles sales. Tout est sorti étincelant ! Comme dans les pubs de détergent à vaisselle. On était amazed mon chum et moi. J’avais déjà reçu les petites roues par la poste. Je les ai installées. Le sentiment de se servir de cette machine qui allait maintenant si bien, c’était d’une satisfaction immense !
C’est un peu la même histoire avec ma tête et mon corps. Je les ai laissés à la dérive. Je les regardais dépérir en ne prenant aucune action pour qu’ils puissent se rétablir. Je m’en contentais. J’acceptais mon sort. Je m’imaginais que les efforts pour m’en sortir seraient colossaux.
J’ai dû me rendre à boutte. Mon cycle de lavage ne fonctionnait plus. Il était encrassé. J’ai décidé qu’il était temps que je le nettoie à fond. Ça a été dur. Je m’y suis repris à plusieurs fois. Je n’avais pas les outils nécessaires en main pour mes premières tentatives. Mais l’intention demeurait là, intacte. Ça a été long. Plus je frottais, plus je voyais la vraie couleur derrière la crasse. Ça faisait du bien de me retrouver enfin, après toutes ces années.
Comment j’ai fait? J’ai accumulé les séances hebdomadaires avec une psychologue, j’ai assisté à des rencontres de groupes et j’ai lu beaucoup sur le sujet des troubles alimentaires et sur le développement personnel. J’ai travaillé fort pour en arriver où j’en suis. J’ai trouvé des solutions qui me convenaient. Pour ma part, ce sont de petites choses mises ensemble qui m’a fait évoluer vers un niveau acceptable de bien-être. Me confier, écrire et partager mes pensées lors des rencontres de groupe, me relaxer en lisant des romans dans le bain, marcher en nature en savourant ce qui m’entoure (respirer profondément l’air pur, admirer les arbres et le ciel, écouter le bruit des feuilles dans les arbres), tsé, juste être là. Maintenant. Ressentir. Je me suis mis à avoir beaucoup de gratitude pour la nature et les personnes qui m’entouraient. Je me suis mise à apprécier davantage mes qualités et à être attentive à mes émotions. Hypersensible que je suis, je retenais souvent mes larmes. Maintenant, je les laisse aller (même s’il y a du monde autour qui regarde), j’accepte de démontrer ma vulnérabilité. À tous les coups, il y a quelqu’un qui va dire quelque chose ou poser un geste de réconfort qui m’apporte une paix intérieure instantanée. Ça vaut la peine de s’écouter, d’accueillir les émotions et de s’ouvrir aux autres.
Je ne voudrais jamais revenir en arrière. Je ne me permettrai plus d’accepter que je fonctionne de travers. Plus question de me contenter d’un moi tout croche, qui fonctionne mal. J’ai réussi à rééquilibrer ma tête et mon corps. Je me dois d’y faire attention. Je garde les outils proches au cas où ça viendrait qu’à flancher. Au moins je me connais. Je sais maintenant comment me réparer.
– Maudit que c’est plaisant un mental et un corps qui fonctionnent bien, hein Karine Rainbow Nadeau?
Quelles sont tes solutions pour te relaxer, pour prendre soin de toi? Est-ce que tu t’accordes ce temps, de temps en temps?