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Andréanne Geoffroy

J’ai eu la chance d’entrer en contact avec Andréanne par le biais d’un groupe Facebook sur les troubles alimentaires. Elle a répondu à mon appel à témoigner avec bonté et sincérité. Andréanne est une femme épanouie et occupée! En plus d’être maman d’un jeune garçon, elle détient également sa chaîne Youtube, son blogue, elle travaille, elle est étudiante en marketing et communication à l’université et elle collabore dans divers projets qui lui tiennent à cœur. Andréanne nous explique avec lucidité le processus qui l’a plongé vers les troubles alimentaires et comment elle s’est battue pour s’en sortir. 

Question 1: Te rappelles-tu quand tout ça a commencé?

Ça a commencé suite à la naissance de mon fils. J’ai fait ce qui ressemble à une dépression post-partum, mais ça n’a pas été diagnostiqué sur le coup. À mon CLSC, les nouvelles mamans avaient aussi des questionnaires préventifs à faire pour la dépression PP, mais pour moi, à chaque fois, l’infirmière me disait que j’étais limite et ça restait comme ça. J’étais très anxieuse face à mon nouveau rôle de maman et toujours très très inquiète de tout (ex. si mon fils dormait un tantinet plus longtemps qu’à son habitude, je capotais et je me faisais des scénarios qu’on allait lui découvrir un cancer, qu’il allait mourir, etc.).

Quand il a eu 4 mois, mon corps a décidé que toute cette anxiété était trop difficile à gérer pour lui. Il n’arrivait plus à remplir ses fonctions de corps humain ! Pour moi, ça s’est résulté en des troubles digestifs. J’ai commencé à avoir extrêmement mal au cœur après avoir mangé. Au point presque d’en vomir. L’affaire, c’est que j’ai aussi une phobie du vomi (qui s’appelle l’émétophobie)…Donc, ces 2 troubles de vont pas vraiment de pair !! Rapidement, mon cerveau a associé que manger = nausée = vomir. Et comme j’avais extrêmement peur de vomir, je devais tout faire pour éviter ça, je devais donc éviter de manger.

À ce stade-ci, je ne savais pas que c’était l’anxiété qui causait mes nausées. Je pensais que j’avais attrapé une bactérie ou que j’avais un autre trouble de santé physique. Dans l’année qui a suivi, j’ai fait plusieurs tests en gastro-entérologie pour trouver ce que j’avais. Suite à ces tests, ma gastro-entérologue m’a annoncé que pour elle, la seule chose possible, c’était l’anxiété. Elle m’a recommandé de faire du yoga, de l’exercice et d’aller faire une thérapie pour l’anxiété.

Dans cette année de batterie de tests, de nausées à n’en plus finir et de restrictions alimentaires causées par la peur, j’ai aussi, bien évidemment, perdu énormément de poids. Et au début de toute cette histoire, mon but n’était pas de perdre du poids. Oui, j’avais un surplus suite à ma grossesse, mais j’étais en paix avec ça : ça m’a pris 9 mois fabriquer un bébé dans mon corps, ça m’en prendra 9 autres, et plus si nécessaire, pour revenir à sa taille normale. Reste que, à force de voir mon corps rapetisser, de me faire complimenter sur ma belle perte de poids, de constater qu’en allant magasiner je pouvais rentrer dans des tailles de vêtements que je n’avais pas racheté depuis mes 15 ans bin….. ça te « fuck » un cerveau !

Donc, si on récapitule : 1 an après la naissance de mon fils, j’avais perdu environ 65 lbs, je ne mangeais presque plus, de peur d’être malade, je commençais la course et le yoga (suite aux recommandations de la gastro-entérologue), je me pesais presque tous les jours et j’essayais de concilier mes rôles de maman, blonde, femme et employée.

À l’automne, avec ma nouvelle « passion » pour la course, je me suis achetée une Apple Watch. Erreur. Ce petit bidule calculait toutes mes calories dépensées dans une journée. Je pense que c’est vraiment à ce moment que le cycle de l’anorexie a pris le dessus. Comme un entonnoir, au début ce sont des petites choses, des petits comportements malsains, mais plus l’entonnoir se referme, plus la descente est rapide. J’ai commencé à prendre des laxatifs, juste une fois de temps en temps. À calculer mes calories. J’ai commencé à me peser plusieurs fois par jour, à tous les jours. J’ai continué à m’entraîner et avec l’arrivée de l’hiver, je me suis abonnée au gym. Mes menstruations se sont arrêtées. Quand j’avais envie de manger un aliment X la petite voix dans ma tête me disait : « Bin non Andréanne….ça va te donner mal au cœur ! Et en plus, vois ça du bon côté : ça va te faire maigrir ! ». Maintenant, mes nausées étaient un prétexte pour ne plus manger et perdre du poids.

Le cycle s’est poursuivi et intensifié jusqu’au printemps suivant. Toute ma vie ne tournait qu’autour de ce que j’allais manger, de mon poids et de l’entraînement. Mon fils allait avoir 2 ans, mais je passais plus de temps avec lui le soir, car je devais aller au gym. Je ne jouais plus avec lui, car je n’avais plus l’énergie de le faire.

J’avais perdu un autre 30 lbs. J’étais officiellement en sous-poids. Mais j’étais tellement fière. Fière d’être rendue à ce poids (que je n’avais pas fait depuis mes 10-12 ans !). Fière, mais tellement épuisée. Lors d’un rendez-vous de suivi avec mon médecin de famille, il a constaté ma perte de poids anormale et il a mis les mots sur mes maux : trouble alimentaire.

C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais besoin d’aide et que ça ne pouvait plus continuer comme ça. J’ai pris un rendez-vous dans une clinique en trouble alimentaire et j’ai commencé mon processus de guérison.

Question 2: Comment tu te sens par rapport à ton trouble alimentaire maintenant?

Beaucoup mieux ! Dans les passes plus difficiles/anxieuses de ma vie, il m’arrive encore d’avoir des petits moments de doutes et la petite voix revient, mais j’arrive à la chasser assez rapidement.

Question 3: Est-ce que tu considères que tu t’en es sortie? Quel a été le déclic?

Oui, je considère m’en être sortie ! Mon déclic a été de réaliser que j’avais des ambitions pour ma vie que je voulais les réaliser. Je voulais voir mon fils grandir. Je voulais voyager.

Question 4: Quels ont été tes moyens pour y arriver? Sinon, as-tu un plan pour t’en sortir?

J’ai fait une thérapie dans une clinique spécialisée en troubles alimentaires. En plus d’avoir une psy qui comprend bien les TA, j’avais un suivi avec une nutritionniste (elle aussi spécialisée dans les TA) et elles communiquaient souvent ensemble pour m’offrir un traitement 100% adapté. Au terme de ma thérapie, j’ai surtout compris beaucoup de choses, comme le fait que même si je voudrais TOUT contrôler, ça ne fonctionne pas comme ça dans la vie et aussi que mon poids ne me définit par comme être humain et ne définit pas ma réussite. La société nous impose une pression énorme sur le poids et l’image corporelle. On a le droit d’exister nous aussi, même si on ne fit pas dans le moule.

Question 5: Quel lien entretiens-tu avec ton poids, la balance et ton image corporelle?

Maintenant, c’est plus facile pour moi d’accepter mon corps en général. J’ai encore des moments où je n’aime pas voir ce que je vois dans le miroir, où je me sens trop grosse, etc. mais je sais qu’en ce moment mon corps est en santé et que je suis à mon poids génétique. La balance, n’en parlons pas, je ne me pèse plus (de peur de voir le chiffre dessus), mais ça a son bon côté : je ne me pèse plus !

Question 6 : Quels moyens prends-tu pour gérer tes émotions ou pour te changer les idées?

Pour me changer les idées, je fais des projets créatifs qui me passionnent et qui m’aident à garder le cap. La gestion des émotions est toujours un peu plus difficile, outre le trouble alimentaire, je fais aussi de l’anxiété. En ce moment, avec ma nouvelle psy, on travaille beaucoup l’aspect gestion des émotions.

Question 7 : Comment était ta relation avec la nourriture quand tu étais plus jeune?

Ado, j’avais déjà des pensées et des perceptions malsaines autour de mon poids, mon image corporelle et mon alimentation. Il m’arrivait parfois de skipper des repas, mais sans plus.

Question 8 : Si tu pouvais retourner avant ton trouble alimentaire, que dirais-tu à la personne que tu étais?

À l’ado : L’adolescence c’est vraiment pas la passe la plus glorieuse de notre vie, mais justement, ce n’est qu’une passe. Apprends à exprimer tes besoins, suis ton cœur et fais ce qui te passionne. Ta vie sera parsemée d’embuches, mais tu auras un chum merveilleux à tes côtés, une famille présente et un petit garçon exceptionnel.

À la nouvelle maman : Tu es forte et tu as toutes les capacités pour t’occuper de ton bébé. Tu es une bonne maman, ne doutes jamais de ça. (Ah oui, et je lui dirais aussi d’aller consulter une psy OPC avant que tout ça dégénère et que y’a aucune honte à faire de la thérapie. Ce fût la plus belle décision de ma vie !!)

Parce qu'on n'est pas juste ça!

Quelle chanson écouterais-tu en boucle ?

  • J’aime tellement la musique qu’il y en a trop…alors je vais tricher un peu et je vais écrire la playlist Spotify que j’écoute en boucle J : Relax & Unwind.

Quelle est ta série télévisée préférée?

  • Définitivement Friends ! 

Qu'est-ce qui te rend heureuse?

  • Les petites choses de la vie : boire mon café le matin. M’occuper de mon potager. Rencontrer de nouvelles personnes. Sentir l’odeur du printemps. M’asseoir au pied du feu en camping. Écouter mon fils me raconter ses histoires rocambolesques. Regarder les orages lors des chaudes soirées d’été. Et je pourrais m’éterniser sur le sujet !

Quel rêve caresses-tu?

  • Je rêve de vivre simplement, au gré de mes projets créatifs ! (a.k.a. pas travailler 40h/semaines et courir comme une poule pas de tête !)

Quel a été le plus beau jour de ta vie?

  • La naissance de mon fils. Ce qu’on ressent la première fois que bébé est déposé sur nous : c’est indescriptible.

Quel livre ou quelle œuvre apporterais-tu sur une île déserte?

  • IIiiiissshhh….Je suis pas une grande lectrice ahah. J’apporterais probablement mon kit d’aquarelle et je ferais de l’aquarelle à l’infini (ou plutôt, jusqu’à ce qui ne me reste plus de papier !)

De quoi es-tu la plus fière à ce jour?

  • De me choisir et de continuer à me battre tous les jours contre mon anxiété. Et surtout, de suivre mon instinct et d’écouter mon cœur.

Quel est ton moyen ultime pour te relaxer?

  • Écouter des bruits de la nature ou des « Healing sounds », m’étendre et me concentrer sur ma respiration.

Quel est ton talent caché?

  • Il paraîtrait que je suis bin bin flexible…. J’arrive à mettre mon pied sur mon épaule !

Quelles valeurs te tiennent à cœur?

  • Le respect (de soi, d’autrui, de la terre), l’ouverture d’esprit, l’environnement, l’esprit de communauté

Quelle qualité préfères-tu chez toi?

  • Ma douceur, ma bienveillance et mon ouverture d’esprit

Quelle est ta philosophie de vie ou quel conseil t’a-t-on déjà donné que tu aimerais nous partager?

  • Je vous partage une citation de Simone de Beauvoir qui teinte mon quotidien et qui me permet d’avancer : « J’accepte la grande aventure d’être moi ».

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Un petit message pour Andréanne

Ah Andréanne! Ton témoignage m'a apporté un flot de profondes émotions. Ton cheminement est exceptionnel et m'a touché aux larmes. Tu es un exemple de détermination et de persévérance. Tu as su croire en toi et en tes forces et à demander l'aide nécessaire afin d'aller mieux. Te voilà maintenant avec ce bagage qui te forge et t'illumine. Merci à l'infini pour ton partage rempli de sagesse et d'être la femme formidable et si humble que tu es! Gros câlin xxxx.
Karine Nadeau

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