Jessica Poulin

Question 1: Te rappelles-tu quand tout ça a commencé?

J’ai bien l’impression que ça remonte au plus loin où je peux me souvenir. Ayant grandi dans un environnement toxique, je me rends compte étant moi-même devenue une maman aujourd’hui, que beaucoup de peurs de ma mère étaient transposées sur moi. Je me souviens que ma mère me mettait au régime et que je n’avais même pas 10 ans, que j’allais voir une nutritionniste aussi dans ces mêmes âges… en quoi ça pouvait aider une jeune de 10 ans ? Si je ramène ça dans ma vie d’aujourd’hui, c’est mon rôle de bien nourrir mes enfants, de leur apprendre ce qu’est une bonne nutrition, de ne pas avoir d’aliments interdits… et bizarrement, je crois que je fais une bonne job, aucun de mes enfants ne vit d’excès ou ne souffre d’embonpoint. Je crois qu’au départ, la privation a réveillé en moi un besoin de contrôle absolu. En fait, du plus loin que je me souvienne j’ai toujours été accro à quelque chose. Plus jeune, je comblais le vide avec la nourriture, puis j’ai vieilli, j’ai connu la drogue et l’alcool, auxquels j’ai été accroché plusieurs années, avec lesquels j’ai passé par-dessus différents drames de ma vie, ensuite, j’ai connu les garçons, je tombais en amour avec le premier qui pouvait bien me donner de l’attention, j’aurais fait n’importe quoi pour que quelqu’un m’aime. En fait, j’ai jamais pensé à ce que moi je voulais vraiment. Je voulais juste que le mal se taise et je le taisais avec ce que je pouvais. Je me case enfin, conjoint, enfants, maison, boulot… et là… je ne suis toujours pas pleine… pleine de quoi, je le sais même pas moi-même… fais que comme je ne bois plus, que je consomme plus ni d’hommes ni de drogues, ben je comble le vide qui m’habite avec la nourriture. Pas tous les jours, pas toutes les semaines, des journées, je peux m’affamer complètement, buvant seulement du café et d’autres manger tous les restants dans le frigo, mais clairement c’est un problème.

Question 2: Comment tu te sens par rapport à ton trouble alimentaire maintenant?

Toujours du travail à faire. J’ai surtout besoin de me faire une place à moi-même dans mon tourbillon de vie. Difficile avec 2 enfants de 3 et 6 ans et un chum qui n’est jamais là le soir pour aider et en ce fabuleux temps de pandémie.

Question 3: Est-ce que tu considères que tu t’en es sortie? Quel a été le déclic?

Aujourd’hui toujours rien de réglé. J’ai tenté de me confier à une travailleuse social… faire des démarches avec ses conseils, mais ma vie tourne tellement autour de la famille que je suis la dernière personne sur la liste. Il faudrait que je revoie mes priorités.

Question 4: Quels ont été tes moyens pour y arriver? Sinon, as-tu un plan pour t’en sortir?

Mon plan était établi pour l’année 2020. Je ne prends jamais de résolution, parce que de toute manière on les tient jamais ces affaires-là. Mais pour 2020, je m’étais dit que c’était mon retour à la vie en tant que femme. Je m’étais prévu plein d’activités qui me plaisaient. Aille, même un shooting photo, moi qui ne me trouve pas photogénique pour 2 cennes. Mais comme tout le monde le sait, 2020 est tombé à l’eau pour l’humanité entière, donc j’ai remis ma renaissance à plus tard… encore, et j’attends toujours.

Question 5: Quel lien entretiens-tu avec ton poids, la balance et ton image corporelle?

Mon chiffre, je le déteste. Je me pèse 2 fois par jour. Parce que le soir, c’est certain que je suis enflée, donc je me dis que je vais me repeser le lendemain pour avoir le VRAI chiffre. Je suis rendu que je m’habille presque toujours en noir, moi qui était si coloré avant. Je tente de me cacher j’imagine.

Question 6 : Quels moyens prends-tu pour gérer tes émotions ou pour te changer les idées?

La musique ! La musique a toujours été mon exutoire. J’embarque dans mon auto, café-top (ok, pas trop santé là, mais bon) Le son au boutte, pis j’évacue toute.

Question 7 : Comment était ta relation avec la nourriture quand tu étais plus jeune?

Comme j’ai dit plus haut, je n’ai jamais eu une bonne relation, car elle a été biaisée dès le départ par une mère qui a elle-même créé un malaise avec la nourriture, pour ensuite essayer de m’en sortir en créant encore un malaise plus grand.

Question 8 : Si tu pouvais retourner avant ton trouble alimentaire, que dirais-tu à la personne que tu étais?

Aimes-toi donc! Comme t’es! S’il y a tant de personnes qui t’aiment, tu ne dois pas être si pire que ça hein? Arrête de t’oublier au détriment des autres. Donne-toi la place que tu mérites, dans ta propre vie.

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