Martine Guillette
J’ai connu Martine en 2013, alors qu’on était collègue dans le domaine de l’approvisionnement dans le secteur alimentaire. J’ai tout de suite été attachée par sa personnalité sincère, authentique et chaleureuse. Je savais que je venais de me trouver une alliée de grande qualité! Le courage qu’elle a eu pour dévoiler son TCA est admirable! Martine, ma douce amie, je suis tombée en amour-amitié avec toi à la seconde où on s’est adressé la parole. J’ai tout de suite vu en toi une femme d’une grande beauté, d’une personnalité solide. Une fonceuse. Une résiliente. Tu n’as jamais eu peur de t’exprimer et de t’affirmer. Tu dis toujours les vraies choses, de but en blanc. J’ai toujours apprécié ces belles qualités en toi. Merci de ta grande ouverture pour ce témoignage! J’ai l’impression qu’il résonnera quelque chose chez plusieurs d’entre nous! Je te souhaite de réaliser tes rêves, tu le mérite ma belle amie!
Question 1: Te rappelles-tu quand tout ça a commencé?
C’est fou comment il m’a été difficile d’identifier le moment où mes troubles alimentaires… J’ai toujours été rondelette, mais ça ne me dérangeais pas. À l’adolescence, j’ai été victime d’intimidation, solidement. J’ai passé beaucoup de temps dans ma chambre à lire tous les magazines imaginables. J’ai été en contact pour la première fois avec le concept des régimes. Ma mère étant mince naturelle, je n’ai pas été en contact avec les « régimes ». Cependant ça ne m’a pas marqué tant que ça. La première fois que j’ai tenté de maigrir c’est avec MINÇAVI. J’avais 20 ans. Les rencontres, et ma première planification de menu… J’ai perdu un peu, mais j’ai aussi appris à tricher la balance, quand j’avais une mauvaise semaine, je portais des vêtements plus légers pour avoir une belle pesée c’est les premières fois que je me suis fait vomir, que j’ai utilisé des laxatifs… encore là, pour avoir une « belle pesée »… en plus d’être avec des madames avec qui je n’avais rien en commun, je n’étais pas motivée donc j’ai tout lâché ça (les programmes d’amaigrissement, pas les laxatifs et les vomissements). Après ça j’ai commencé à m’intéresser beaucoup aux différents régimes, méthodes d’amaigrissements… Je lisais TOUT (c’était avant que tout soit sur internet). Je mangeais beaucoup moins, mais, je me purgeais encore de temps à autre… ça a duré un temps puis j’ai déménagé à Montréal, nous mangions presque toujours dans les restos, car c’était pas beaucoup plus cher qu’une épicerie et tellement plus facile. À 21 ans, j’ai pris beaucoup de poids, j’ai atteint 193 livres. Mes parents m’ont signifiés que je devais me prendre en main pour ma santé. J’ai donc fait affaire avec des pros (programme alimentaire équilibré et entraînements supervisés) ça super bien fonctionné. J’ai acquis de bonnes habitudes, j’ai cessé la prise de laxatif et les vomissements et j’ai perdu du poids et surtout, j’étais en super forme dans mon corps et dans ma tête. J’ai atteint 134 livres (ce qui fitte plus avec mon squelette), mais… j’ai eu ma première grossesse avec 51 livres qui se sont logées dans mon corps. j’ai eu un bébé de 6 livres… faites le calcul. J’ai refais le programme qui avait été gagnant pour moi et là je trouvais que ça n’allait pas assez vite. J’ai commencé à adopter des comportements alimentaires douteux. Presque pas manger pendant des jours, avoir faim sans bon sang, me faire tout un snack, recommencer à ne pas manger, prendre des tisanes laxatives… Mais encore là, ça restait relativement raisonnable. J’ai été rencontrer un autre professionnel (vraiment super compétent). J’ai eu un nouveau plan alimentaire avec des entraînements supervisés. J’ai découvert l’entraînement de performance, je transformais mon corps c’était incroyable. À 28 ans, j’étais en super, super shape et mon mental adorait faire mes menus, voir ce que je mangeais et les résultats qui s’y rattachaient. Je n’avais plus de périodes de vomissement, mais, je prenais encore des tisanes laxatives pour « purger » mes soirées très arrosées au bar. J’écrivais tout ce que je mangeais, je me permettais une journée de triche (au début), mais j’avais le contrôle, je jubilais !! Les gens autour de moi me félicitaient de ma rigueur, de mes résultats et de ma silhouette. Même que souvent, les gens avec qui je mangeais se justifiaient de ne pas manger « santé ». Je les intimidais !!! Je refusais souvent des invitations à souper, car je ne contrôlais pas assez ce que j’allais manger. J’étais full orthorexique et fière de moi en titi. Mon taux de gras était genre de 16 % ce qui est assez bas, le poids sur la balance je m’en foutais vraiment, car j’aimais mon corps. C’est poche, car mon programme alimentaire était parfait, ça fonctionnait, j’étais en santé. Je n’aurais pas dû basculer sur le côté sombre de l’alimentation. Je ne mangeais plus de produits transformés ou presque, je lisais toutes les étiquettes, mes repas n’étaient jamais assez sains. La journée de triche avait pris le bord, car c’était un manque de rigueur inutile ! je me suis nourri essentiellement de poitrines de poulet et de brocolis vapeur durant un an. C’était rassurant, facile et calculé.
Question 2: Comment tu te sens par rapport à ton trouble alimentaire maintenant?
Je crois que je resterai orthorexique. Ça fait trop partie de moi. À 36 ans, j’ai eu deux grossesses en 22 mois. J’ai perdu le contrôle sur mon corps, mon poids a monté en flèche et n’est jamais redescendu; mon bassin s’est ouvert et ne s’est jamais refermé. Donc, même si je maigris et que je serais sur les os, je ne pourrai plus porter mes jeans grandeur 27 Parassuco qui n’ont pas de stretch dedans. Ça m’a pris 6 ans pour accepter ce fait… durant les six dernières années, je me suis déconnectée de moi. Je ne m’arrangeais plus, je me m’entraînais plus j’étais une maman point. Je lisais encore tout ce qui se faisait sur la nutrition, les nouvelles tendances alimentaires. Comme si je me disais qu’en lisant, je reprendrais le contrôle, je retrouverais mon corps. Je n’ai pas à dire que ça n’a pas fonctionné. À 42 ans, j’ai touché le fond. J’avais deux choix : soit que je trouve une solution pour retrouver ma santé physique et mentale ou je restais dans le fond… Je mangeais ce que je voulais, mais je me détestais pour ça et je me punissais par mon alimentation, je me disais : « Mange grosse truie, tu ne veux pas te prendre en main, mange comme un cochon et continu à te malmener, t’aime ça ». Bien que ça arrive moins souvent, je tombe encore dans l’autosabotage et dans l’auto-insulte.
Question 3: Est-ce que tu considères que tu t’en es sortie? Quel a été le déclic?
Le déclic est bizarre. Ça aurait dû être quelque chose de profond comme : je veux que mes enfants aient une maman en santé qui peut jouer avec eux ou encore, quand j’ai été hospitalisé pour une douleur aiguë au niveau de la vésicule biliaire causée par un morceau de gras abdominal qui s’est replié sur lui-même et qui a mis de la pression sur mes organes !!! Oui oui du gras qui font de la pression sur mes organes vitaux…. Mais non c’était pas encore assez grave ! Un jour, j’ai croisé un ami que je n’avais pas vu depuis longtemps et sur le moment, il ne m’a pas reconnu ! J’ai cru au départ que c’est parce que ça faisait trop longtemps qu’on ne s’était pas vu. Mais ça ne faisait pas de sens. De retour chez moi je me suis regardé dans le miroir, une pleine longueur et j’ai eu un terrible choc. J’ai enlevé mes lunettes roses de déni et je me suis vu tel que j’étais. Je faisais de la dysmorphie inversée, je me voyais beaucoup plus mince que je l’étais en réalité. Mon visage n’était plus mon visage, je n’avais plus mes pommettes, plus de définition au niveau du menton, mes yeux semblaient plus petits. Par la suite j’ai détaillé mon corps mes bras étaient gros et flasque, je n’avais plus de taille, mes bourrelets de dos étaient aussi gros que mes seins ! Mes hanches étaient protégées par deux poignées de gras. Mes cuisses se touchaient au point de ressembler à un deuxième vagin. Je voudrais dire que j’ai pleuré, mais en réalité, je me suis crié des insultes et par la suite, j’ai versé des larmes. Des larmes de tristesse, de rage et de désespoir. J’ai écrit à mon ami pour lui dire merci, sans le savoir, il m’a donné le fameux WHY qui me manquait. J’ai été en essais erreur durant un an. Pas de résultat, beaucoup de frustration, puis j’ai décidé de me donner les outils.
Question 4: Quels ont été tes moyens pour y arriver? Sinon, as-tu un plan pour t’en sortir?
En janvier dernier (2021), je suis entré en mode action, j’ai débuté par aller voir le médecin, car j’avais mal aux genoux et je voulais savoir ce qu’il en était. Par la suite, j’ai été rencontré un kinésiologue qui a pris mes mesures, mes pinces de gras, mon poids. Je voulais un point de départ. Ça a tellement cliqué avec lui, je lui ai fait confiance presque sur-le-champ. Par la suite, il m’a fait un programme d’entraînement à faire à la maison pour rétablir mon genou (avec ma dynamique familiale je ne peux juste pas aller au gym) ET il m’a fait un programme de nutrition avec des balises bien définies. Oui mon besoin de contrôle alimentaire, de faire mon journal alimentaire, tout écrire, analyser était comblé. Je ne ressens plus le besoin de vomir ou de prendre des tisanes laxatives, je mange de bonnes choses et j’ai recommencé à m’entraîner, à prendre du temps pour MOI. Je suis encore orthorexique, j’écris tout, j’analyse, j’ajuste quand je ne vois pas d’amélioration. Je me sur-documente… c’est encore une obsession, mais moins négative (selon moi), c’est plus une folle passion. Je planifie mes menus pour la semaine, j’écris mon journal alimentaire, en disant comment je me sens. Mais je suis encore moi… quand je déroge de mon plan de la semaine, je me déteste automatiquement. C’est souffrant et dans ces moments je vis une grande détresse, car je vis un échec, j’ai échoué. Garroché dans la bouffe, pour ne pas m’insulter en me regardant dans le miroir, pour ne pas me purger. Cependant, je vais manger chez des amis ou au restaurant, je me permets une alimentation moins cadrée à 100 %. Lors d’une de mes rencontres avec mon thérapeute, j’ai réalisé que je suis obsessive point. Je fais des listes et des plans pour tous, je trouve ça rassurant et ça me donne l’impression de contrôler ma vie. Donc mon orthorexie est une facette de mon obsession pour le contrôle. Je veux inculquer de bonnes habitudes alimentaires à mes enfants, je ne veux pas qu’ils aient la même relation malsaine que j’ai.
Question 5: Quel lien entretiens-tu avec ton poids, la balance et ton image corporelle?
Je n’ai pas encore une relation harmonieuse avec mon poids, mon corps et mon image corporelle. Je n’ai pas de photo de moi où on me voit en entier. Le poids sur la balance ne bouge pas beaucoup malgré tous les efforts que je mets dans ma santé et ma remise en forme. Ça m’écœure même si je suis la première à dire que la balance ne dit pas tout. Ma grandeur de vêtements ne descend pas encore assez rapidement. Puisque j’ai tendance à l’autosabotage, je dois me faire violence pour ne pas tout arrêter et retourner dans mes vêtements trop amples et enchainer série télé sur série télé et me morfondre sur mon sort. Cependant, il y a des jours où je suis capable de me regarder dans le miroir et de voir les changements mon visage moins enflé, mon corps qui s’affine LENTEMENT. Ma musculature qui se définit. Je peux me trouver plus belle qu’avant. Je suis cependant très fragile..
Question 6 : Quels moyens prends-tu pour gérer tes émotions ou pour te changer les idées?
J’ai commencé à consulter une travailleuse sociale. Contrairement à un psy qui travaille beaucoup sur la passée, elle travaille dans le présent et c’est plus axé sur la solution. J’en suis seulement au début, mais je sais que ça va m’aider. Je dois avouer que lorsque j’ai du temps seul (ce qui est rare) je lis des livres de recettes, des blogues culinaires, je fais des menus ou des plans pour tout ; le ménage, les sorties, les rénos… Je crois que c’est le mouvement de l’écriture qui me détend. Je lis aussi beaucoup de roman je regarde des séries.
Question 7 : Comment était ta relation avec la nourriture quand tu étais plus jeune?
Elle était bonne, en fait, je ne m’en souciais pas vraiment. Ma maman était mince sans effort ni régime. Elle pouvait manger TOUT ce qu’elle voulait. Elle me disait souvent : « j’aimerais ça que tu sois comme moi et que tu puisses manger tout ce que tu veux. » Elle me disait que j’avais de gros os ; ce qui est totalement faux, j’ai un squelette assez petit. Un jour le médecin lui a dit très sèchement : « Madame Guillette, arrêtez de dire ça à votre fille, elle n’a pas de gros os, elle a un surplus de poids et il est temps que cette problématique soit prise en charge. » Là mes parents ont essayé de faire des plats plus santé. Finalement c’est le diabète de mon père qui a fait que les repas à la maison prennent un virage santé. Adolescente j’ai voulu être belle et perdre un peu de poids, mais pas assez pour entreprendre des régimes drastiques genre soupe aux choux, pamplemousse, etc. Il faut dire que j’avais une très forte pilosité, me cacher sous des vêtements ça me connaissait.
Question 8 : Si tu pouvais retourner avant ton trouble alimentaire, que dirais-tu à la personne que tu étais?
Oufff. Je ne sais pas trop. J’ai développé mon trouble alimentaire assez tard. Peut-être d’aller consulter pour mon trouble de confiance en moi au lieu de me garocher dans le contrôle absolu de mon corps. De trouver ma voix professionnelle et de tripper sur ce que je fais au lieu de me gonfler l’égo avec mon apparence.
Parce qu'on n'est pas juste ça!
Quelle chanson écouterais-tu en boucle ?
On aime beaucoup le raggaton à la maison, mais ma chanson pref est Still loving you de Scorpion
Quelle est ta série télévisée préférée?
J’en écoute beaucoup trop. Mais Dr House, une autre moins connue c’est Haven, Grimm, The prodigal son… J’aime le surnaturel et le policier
Qu'est-ce qui te rend heureuse?
Me promener sur les roches sur le bord du fleuve durant la marée basse à Saint-Jean-Port-Joli et partager un bon repas entre amis ou en famille. Me « coller » sur mes enfants.
Quel rêve caresses-tu?
Travailler 3 jours semaines pour donner plus de temps à ma famille et prendre des cours de chant
Quel a été le plus beau jour de ta vie?
Il fut un temps où je jouais à la pétanque, car mes parents jouaient et tant qu’à rien faire ou les regarder jouer, j’ai décidé de commencer à jouer. Bref, j’ai fait un tournoi avec mon père et nous avons gagné. Mon père dirigeait le jeu et il me faisait confiance. La dernière partie, on peut gagner, mais je dois frapper la boule de l’équipe adverse, c’est un tir qui demande beaucoup de précision. Mon père me regarde et me dit : « vas-y tu es capable. » J’ai fait le lancer, j’ai frappé la boule adverse, ma boule est restée point et nous avons gagné. La fierté dans le regard de mes parents ça ne s’explique même pas. Ce fut un super beau moment en famille.
Quel livre ou quelle œuvre apporterais-tu sur une île déserte?
La série Harry Potter
De quoi es-tu la plus fière à ce jour?
Sincèrement avoir réussi à me retrouver en tant que femme en janvier dernier et de tenir bon même si mon parcours est semé d’embuches. Je suis un meilleur humain, une meilleure conjointe et une meilleure maman
Quel est ton moyen ultime pour te relaxer?
Je ne suis pas encore bonne pour relaxer. Mais le son des vagues est assez efficace.
Quel est ton talent caché?
J’ai le sens du punch, je peux être vraiment drôle.
Quelles valeurs te tiennent à cœur?
L’importance de la famille
Quelle qualité préfères-tu chez toi?
Je suis forte, je peux passer au travers de beaucoup d’épreuves je peux perdre beaucoup de plumes, mais j’arrive à reprendre le dessus. Ça me surprend à chaque fois.
Quelle est ta philosophie de vie ou quel conseil t'a-t-on déjà donné que tu aimerais nous partager?
- Ne t’en fait pas avec ce que qui ne t’appartient pas, mettez des efforts sur ce que vous pouvez changer. Et mon pref : célébrez les petits succès vous aurez plus souvent des belles journées
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